“ Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. ”
Hannah Arendt
Travail de synthèse portant sur l'ouvrage de
Julia de Funès « Le siècle des égarés »
Les Éditions de l’Observatoire / 10-2022
1. La quête identitaire, une obsession récente
Du temps de l'antiquité, la métaphysique et la religion proposaient des orientations, voire des réponses aux questions existentielles des hommes lorsque ceux-ci étaient confrontés à diverses épreuves. Du temps des grandes religions, réussir sa vie équivalait à vivre en harmonie avec les commandements divins qui, seuls, permettaient de s'orienter et de s'accomplir.
Au 18ème siècle, ce sont les figures de l'idéal humain qui vont venir supplanter les référentiels divins (la raison, la science, le progrès, la démocratie, l'égalité,... etc.) et réguler les actions et les existences.
Le 20ème siècle voit progressivement s'évanouir ces valeurs humanistes et émerger la primauté de "l'individu". La démocratie, par laquelle la société est déliée de toute fondation supérieure annonce l'autonomie du peuple et des individus qui la constituent. D'un monde "hérité" et construit par un ordre transcendant, on passe à un monde à réaliser par l'individu lui-même. L'accomplissement personnel, le culte de soi, le bien-être immédiat "ici et maintenant", l'écoute des besoins individuels de l'enfant, de l'adolescent deviennent autant de priorités. La politesse, l'élégance, la décence, la considération accordée à "l'autre", enfin toutes les valeurs relationnelles qui considéraient cet "autre" comme une finalité sont supplantées par des finalités individualistes. Les valeurs passées étant revisitées fonction de notre regard actuel (cancel culture), le présent et le futur sont d'autant plus investis. La méditation et le développement personnel proposent des recettes immédiates en lieu et place d'un travail psychique inscrit dans le temps long.
Si l'individu se retrouve seul face à lui-même, sans autorité transcendante, la question de son identité devient alors centrale. Que ce soit sur le plan culturel, sexuel, professionnel, ethnique, politique... la recherche et l'affirmation identitaire se développent de plus en plus radicalement. Il y a moins d'éthique de l'autre et du contrôle de soi qu'une éthique de "l'être soi" et de l'épanouissement personnel. L'abnégation individuelle, la modération comportementale correspondent à des valeurs dépassées.
Là où (pour A. Camus) « un homme, ça s'empêche »... aujourd'hui, « un individu, ça se respecte ». La victoire de l'individu et de son identité est évidente.
Et pourtant, combien de conflits internationaux, nationaux, familiaux, individuels s'adossent à des mobilisations identitaires ? Combien de guerres de territoires / de religions / d'idéologies politiques ? Combien de crispations culturelles et sociales, observées sur fond de phénomènes migratoires, quand des populations immigrées n'envisagent pas de changer de valeurs pour adopter celles du pays qui les reçoit ?
Inversement, à favoriser l'intégration de communautés différentes, celles-ci se sentent parfois mal reconnues dans leur identité singulière, dans leurs différences.
A l'échelle familiale, les questionnements identitaires sont également de mise. Les identités y sont sans cesse à prouver, à affirmer ou à étouffer pour ne pas déplaire. Un nouvel être arrive et c'est tout l'échiquier identitaire qu'il faut redéfinir. Un décès, un divorce, un remariage et c'est tout un bouleversement identitaire. Comment trouver sa place, comment la faire reconnaitre ? Le manque permanent de reconnaissance est une problématique aussi universelle qu'intemporelle.
A l'échelle individuelle, les pathologies sont elles aussi devenues identitaires. Si au début du 19ème siècle la pathologie mentale était assimilée à la folie (en fait, une "maladie de la raison"), elle a été conçue à la fin du 19ème siècle comme une névrose, c'est à dire comme un conflit lié à la culpabilité de l'individu cherchant à s'affranchir des interdits sociaux, l'empêchant de vivre pleinement sa propre vie et d'assumer son identité. A la fin du 20ème siècle (après la "révolution culturelle" de 1968), le culte du sujet émancipé, libéré du carcan normatif (le temps du "devenir soi") aura vu la folie, puis la névrose, évoluer en "dépression". Dès lors que l'individu s'émancipe des normes et devient son propre but, la pathologie correspondante n'est plus celle de la loi, mais celle du "soi". La dépression est la maladie de l'individu autonome qui n'a plus de norme extérieure de référence pour lui indiquer ce qui est bon ou non de faire. Les contraintes conjugales, familiales, professionnelles, sociales, relationnelles deviennent vite des pesanteurs psychiques et des pressions internes douloureuses pour des individus sans cesse appelés à être "eux-mêmes".
2. La valorisation radicale des particularismes individuels
Le "Je" n'est plus défini à partir de ce qu'il partage avec ses pairs, mais à partir de ce qui le distingue d'eux.
Le siècle des lumières reconnaissait les signes identitaires individuels, mais les soumettait aux principes républicains partagés : l'égalité, la liberté et la fraternité. Il devient ordinaire, aujourd'hui, de ne voir dans l'universalisme qu'une négation des identités, ainsi qu'une volonté masquée de ne pas reconnaitre les différences pour mieux faire perdurer les inégalités.
Au nom de ce principe, les communautarismes prospèrent... tout comme la déconstruction de tout ce qui pourrait contester le plus infime trait identitaire. Prenons par exemple la théorie du genre, qui entend abolir les distinctions entre masculin et féminin pour permettre à chacun de définir sa propre identité sous le signe de l'auto détermination. Puisque ce n'est plus le sexe qui détermine l'identité mais la volonté de chacun, les possibles identités deviennent multiples et toutes possibles. Parmi ces nouvelles identités émergentes, certaines en deviennent très singulières. Ainsi, pour les "féministes woke", les homosexuelles nées femmes sont privilégiées par rapport aux autres femmes (qui peuvent avoir un pénis) puisqu'un homme se sentant femme est femme par l'idéologie identitaire. Conséquence : les femmes avantagées devraient faire des efforts pour avoir des relations avec des femmes genrées mais pas nécessairement biologiquement femmes. Ce faisant, les homosexuelles devraient accepter d'avoir des rapports sexuels avec des femmes ayant un pénis, autrement dit avec des hommes (qui se sentent femmes). Quel paradoxe ! Une nouvelle identité est ainsi née, les "TERFS" acronyme de trans-exclusionary radical feminist ("féministe radicale excluant les personnes trans") regroupant les femmes homosexuelles ne désirant pas de relation avec des femmes biologiquement hommes.
Chaque particularisme devient une nouvelle identité. La déconstruction des anciennes catégories se fait au bénéfice de nouvelles identités toujours plus spécifiques et donc toujours plus nombreuses et exclusives.
3. Mettre au débat la définition classique de l'identité
En synthèse, pour l'auteur, le concept de l'identité reste très incertain et chercher une identité ne peut conduire qu'à une impasse.
4. Questionner les archétypes autour desquels des rôles se jouent... sans être soi
Tandis que tout bouge et se transforme autour de nous, nous nous rassurons en adoptant des conformismes et des rôles qui nous maintiennent debout. Nos manières d'être finissent par dissimuler notre être à nos yeux, comme aux yeux des autres. Nous ne sommes pas, nous jouons à être. Combien de jeunes "bourgeois" jouent aux "racailles", adoptent l'accent des cités et s'habillent en "survet / capuche" par pur conformisme identitaire ? Combien de pères seront nécessairement cools, compréhensifs, bienveillants, contrôlés face à leur enfant écarlate de colère ? Combien de femmes adopteront le profil comportemental de l'épouse comblée par ses enfants, son conjoint, quels que soient les éléments d'une réalité plus contrastée ? S'abandonner aux archétypes, c'est déguiser son être en parodie et ses conduites en schèmes.
Aussi investis que l'on soit dans notre rôle, nous ne sommes jamais entièrement notre personnage car nous avons bien souvent conscience du rôle que l'on joue. Nous sommes d'emblée deux (notre rôle et notre conscience). C'est bien notre conscience qui nous fait bouger dans les rôles que nous jouons, dans les archétypes que nous adoptons. C'est bien notre conscience qui nous redonne de la liberté, du mouvement là où les rôles cherchaient à nous enfermer.
Notons ici et par ailleurs que le regard des autres, lorsqu'il "catégorise" et simplifie ce que nous sommes, peut aussi nous attribuer une "fausse identité", une "étiquette" comme par exemple : la tante hystérique, l'oncle réactionnaire, l'enfant turbulent, l'adolescent agressif, le cadre dynamique, le chômeur paresseux... et ainsi nous enfermer.
5. Mais alors, comment faire pour tenter "d'être soi-même", sans quête identitaire ?
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Il est difficile de conserver notre liberté (ne pas être le jouet de volontés extérieures) et dans le même temps, de se sentir en sécurité (en respectant les rôles tout tracés que l'on attend de nous). De façon à gérer au mieux cette contradiction douloureuse, on se réfugie souvent dans une identité. Se replier sur une identité évite l'angoisse d'existence authentiquement assumée et d'une liberté sans balise. L'identité est également l'une des moins bonnes réponses qu'un collectif puisse trouver pour se sentir être. La plupart des conflits racistes, sexistes, idéologiques, religieux,... ont pour la plupart des causes. Seule la liberté est la condition d'existence des individus comme des peuples dans leur diversité. C'est parce qu'il n'est pas déterminé par une identité mais qu'il est libre d'affirmer sa singularité que l'homme peut accomplir son avenir, être responsable de sa vie et être reconnu à ce titre comme un "sujet libre". Seule la liberté évite le danger de l'identitarisme.
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